Tenter de retrouver l’origine des églises et chapelles rurales d’un département peut sembler présomptueux. L’étendue du territoire, la complexité de sources aléatoires, un long temps où émergent peu de renseignements et surtout des silences de plusieurs siècles, ne favorisent pas un tel projet. Si le deuxième millénaire est mieux documenté que le précédent, il présente également des zones d’ombre où rien ne filtre. Aussi il fallait mettre en œuvre toutes les données disponibles, les coordonner, les comparer, afin de tenter une approche peut-être envisageable.
Nous nous sommes attachés essentiellement aux édifices ruraux édifiés en pleine campagne, en état, ruinés ou disparus. L’ordre alphabétique des communes nous a paru le plus simple pour mettre en œuvre cette étude. Un premier paragraphe présente succinctement la commune sous ses aspects géographique, démographique, archéologique et historique. Sont exposées les données générales la concernant avec les premières mentions tirées des archives. Est présentée également l’église paroissiale qui ne fait pas l’objet direct de notre enquête, mais, lieu de rassemblement de la communauté, participe à la compréhension générale. Elle est souvent la première citée par les sources. Issue de l’enchâtellement, elle succède à la première paroisse à qui elle emprunte en grande majorité la titulature.
Arrivent ensuite les lieux de culte pour lesquels nous possédons au moins une mention, étant bien conscient qu’il nous en a échappé un lot considérable. On rencontre ces derniers sous la forme d’un lieu-dit portant le nom d’un saint sur les cadastres et cartes modernes. Mais aucune source écrite ne permet de les aborder. Pour ceux qui font l’objet d’une notice, nous indiquons toutes les sources rencontrées. Enfin, en guise de courte synthèse, nous tentons une approche de localisation dans le temps, nécessairement approximative et indiquant une période très large de l’Histoire.
Nous présentons succinctement les éléments d’approche et de compréhension qui nous ont permis de rédiger chaque notice communale.
1) Les sources d’archives, manuscrites et publiées
Les cartulaires
A part quelques données fournies par le cartulaire de Saint-Hugues de Grenoble avec le testament d’Abon en 739, il faut attendre le cartulaire de Cluny avec l’énumération des domaines du père de saint Mayeul en 909 pour acquérir quelques bribes. C’est à partir du XIe siècle, avec les cartulaires de Lérins et de Saint-Victor principalement, que l’horizon s’élargit et qu’un large éventail de données devient enfin accessible. Non seulement les chartes énumèrent des donations de terres et de biens aux monastères, mais elles indiquent si l’église, objet du don, est déjà existante et elles nomment son propriétaire. L’information est d’importance car elle indique une fondation antérieure au don et à l’époque où ce dernier est effectué. Cette donnée permet de classer un nombre important d’édifices pendant la période du premier millénaire, sachant également qu’il est probable qu’aucun édifice n’a été construit durant la période très instable du Xe siècle.
Les biens du chapitre de Digne en 1180
C’est le texte d’une bulle du pape Alexandre III en 1180 confirmant les biens du chapitre de Digne présenté par E. Isnard en 1914. Il cite l’état des biens du chapitre dans le petit diocèse de Digne de cette époque qui ne comprenait qu’une quarantaine de paroisses. Ne sont nommées que les paroisses avec quelquefois le titulaire de l’église et non les autres édifices.
L’enquête de 1278 dans la baillie de Castellane
Editée par E. Baratier, elle constitue le deuxième volet de l’Enquête sur les revenus de Charles Ier d’Anjou de 1252. Le premier volet nous renseigne uniquement sur les castra alors que l’enquête de 1278 dans la baillie de Castellane ajoute la domus religiose et s’informe s’il existe aliquis prelatus. C’est ainsi que nous apprenons qu’il existe dans chaque castrum une église paroissiale et de qui elle dépend. Ne sont citées que les églises paroissiales et non les autres édifices.
Les pouillés du XIVe siècle
Ce sont des catalogues recensant les bénéfices d’un évêché sur les églises de son diocèse. Ils ont été établis principalement durant le XIVe siècle et ont été publiés pour les provinces d’Aix, d’Arles et Embrun en 1923. Outre le montant du bénéfice, est cité également le bénéficiaire. Quelquefois est nommé le titulaire de l’église. Ces catalogues offrent une vision globale des paroisses érigées dans les castra de chaque diocèse au XIVe siècle mais ne nomment pas les autres édifices religieux. On peut comparer les données avec celles fournies par les Instrumenta de la Gallia Christiana Novissima pour chaque diocèse.
Les affouagements de 1315 et de 1471
Publiés par E. Baratier dans sa Démographie provençale, nous nous sommes servis des données fournies par l’Atlas Historique. Ces affouagements permettent d’apprécier la population à ces deux dates. Au début du XIVe siècle, celle-ci est importante et atteint des sommets que l’on ne retrouvera souvent plus par la suite. En 1471, elle a diminué de 50%, même parfois de 60% et jusqu’à constater que certaines communautés sont inhabitées. Peste, guerres et bandes armées en ont été les causes. La période de prospérité du XIIIe siècle et du premier quart du XIVe a été favorable à l’édification de nombreux lieux de culte. C’est l’éclosion et l’apogée du deuxième âge roman en Provence. Par contre, à la fin du XVe siècle, l’abandon massif de hameaux, de fermes et de bastides que l’on retrouve sous le terme de villard a causé la perte de nombreux lieux de culte et de chapelles rurales. Dans les villages, l’entretien de l’église a été négligé. Ces données démographiques sont essentielles pour évaluer l’émergence et la disparition de certains édifices.
Pouillés du diocèse de Riez de 1730
C’est un cahier coté 5 G 4 aux ADAHP portant le titre Biens et Pouillés du diocèse de Riez. L’auteur, anonyme, recense par ordre alphabétique des communes les prébendes et bénéfices des chapelles et prieurés du diocèse de Riez.
Les visites pastorales des évêques de l’Ancien Régime
Nous ne possédons que les visites des diocèses de Gap, Digne et de Senez. Elles couvrent les XVII et XVIIIe siècles. A Digne, une seule est complète, celle de 1684, l’autre, de 1677, est fragmentaire. A Gap elles commencent en 1599 pour se poursuivre jusqu’à la Révolution. Elles sont précédées, durant le XVIe siècle, des collations de chapellenies. A Senez, les visites de Mgr Soanen au tout début du XVIIIe siècle sont particulièrement riches et recensent tous les édifices religieux avec leur description et parfois leur historique. Ce sont des documents essentiels pour reconnaître, pendant ces deux siècles, les édifices religieux, non seulement l’église paroissiale, mais les chapelles et succursales des hameaux, ainsi que les anciens prieurés même détruits.
Les expropriations révolutionnaires
Elles sont consignées dans la série Q des ADAHP et forment une énorme masse de documents. Il faudrait y passer plusieurs mois afin de découvrir le destin de tous les lieux de culte expropriés et vendus aux enchères publiques. Si une partie d’entre eux a été rachetée ou rendue, une autre partie est demeurée dans le domaine privé, réappropriée ou délaissée. On en rencontre un assez grand nombre encore repérable, mais certains ont disparus définitivement, laissant seulement le nom d’un lieu-dit.
Le coutumier de 1835
C’est le résultat d’une enquête commandée par l’évêché de Digne afin de connaître les rites, processions et pèlerinages de chaque paroisse. Chaque curé de paroisse a rédigé le sien, parfois avec beaucoup de négligence, parfois avec plus de détails. Le plus complet, comprenant 50 pages, est celui de Banon. Avec ces documents on découvre les chapelles rurales, leur état, leur titulaire et les visites que les paroissiens y font durant l’année. Ce coutumier est consigné aux ADAHP en 2 V 73.
Les visites pastorales des évêques au XIXe siècle
Depuis la Révolution, le diocèse de Digne englobe la totalité du département des AHP et les visites s’échelonnent durant la deuxième moitié du XIXe siècle, débordant quelque peu sur le début du XXe siècle. Elles sont consignées dans la série 2 V des ADAHP. Les dossiers sont très volumineux couvrant l’ensemble des paroisses qui sont visitées en moyenne tous les cinq ans. Il ne s’agit plus d’un texte rédigé comme autrefois, mais d’un formulaire imprimé à remplir par le secrétaire de l’évêque. Outre la description des églises, de leur ameublement et des aménagements à effectuer, sont citées les chapelles rurales avec leur titulaire. On apprend si elles sont en bon état, ou à réparer, parfois même à désaffecter vu leur délabrement. Les processions, pèlerinages et messes sont également mentionnées. On connaît parfois même l’historique de leur fondation.
L’enquête sur les lieux de culte de 1899
Elle ressemble quelque peu au coutumier de 1835 puisqu’elle recense les chapelles rurales, indique leur état et les processions diverses qu’on y fait. 2 V 73 aux ADAHP.
Les inventaires de 1906
Suite à la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, les édifices religieux deviennent la propriété des communes. Dès février 1906, des enquêteurs viennent recenser les objets contenus dans les églises et chapelles de chaque paroisse. Sont citées parfois les chapelles rurales, donnant même leur contenance. Aux ADAHP 1 V 67-68.
2) Cartes et plans
Carte de Cassini
L’avantage de cette carte est qu’elle a été confectionnée juste avant la Révolution, donc avant les destructions et expropriations de cette période. Elle reflète l’état des lieux de culte en bon état ou ruinés, avec leur titulaire et leur situation géographique. Il arrive que ce soit le seul renseignement que nous possédions sur l’existence d’une chapelle. Pas assez ancienne pour être signalée par les cartulaires médiévaux et disparue sans laisser de traces lors de la Révolution.
Cadastre napoléonien
N’ayant pu consulter les états de sections de toutes les communes du département, nous nous sommes contentés d’examiner les plans parcellaires consultables sur Internet. Ils datent de la première moitié du XIXe siècle. Noms de quartiers, lieux-dits et figurations d’édifices dans la campagne apportent tout un lot de données que l’on doit confronter avec les premières présentées plus haut.
Cartes IGN modernes
Elles figurent l’état actuel des édifices ruraux, qu’ils soient en état, en ruine ou seulement signalés par le nom d’un saint.
3) L’archéologie et l’architecture
La carte archéologique de la Gaule
Cette carte concernant le département a été publiée en 1997 par le CNRS. Elle propose l’inventaire par communes des découvertes archéologiques faites anciennement ou récemment. On constate qu’un nombre important d’édifices religieux souvent ruinés est édifié sur des sites antiques ou du haut Moyen Age. Tombes sous lauzes, sarcophages, épitaphes et autre mobilier attestent des occupations durant le premier millénaire où l’Eglise est solidement implantée. La carte révèle même des édifices qui ne sont signalés par aucun texte.
L’architecture
Elle est un indice de datation, mais correspond au dernier état de réfection de l’édifice. Au cours des siècles, pendant les périodes instables, celui-ci se détériore et parfois même n’est plus qu’un tas de ruine. Lors de la période florissante qui suit, il est restauré, reconstruit et réhabilité. Des modes de construction remplacent les précédents, mais parfois laissent en place quelques éléments plus anciens. C’est alors que l’on peut déceler les différentes phases de construction, mais que voir quand un édifice est entièrement enduit ! Il existe peu d’ouvrages sur l’architecture des édifices du département, les principaux provenant de R. Collier avec La Haute-Provence monumentale et artistique et de G. Barruol et J. Thirion avec Provence Romane 2 et Alpes Romanes.
4) Les historiens
Simon Bartel, 1636
C’est un prêtre du diocèse de Riez qui vécut au XVIIe siècle. Décédé le 13 mars 1649 à Mezel où il était prieur-curé, il a écrit en latin une Histoire chronologique des évêques de Riez, livre paru à Aix en 1636. L’intérêt de l’ouvrage est qu’il passe en revue toutes les paroisses du diocèse de Riez et livre, outre une description du castrum, les titulaires des églises et leurs bénéficiaires. Il cite également les prieurés procurant des bénéfices à leurs propriétaires. Sont exclus les autres édifices.
Honoré Bouche, 1664
Avec sa Chorographie ou description de la Provence parue à Aix en 1664 H. Bouche dresse une monumentale histoire de la Provence. On y glane de nombreux renseignements sur certains prieurés ou chapelles remarquables. Nous ne citerons ici que la dissertation sur la chapelle Saint-Jean-du-Désert à Entrevaux et sa source miraculeuse.
Abbé Albert, 1783
L’intérêt des deux tomes de l’Histoire naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun réside dans les notice des communautés et paroisses à la fin de l’Ancien régime. On y découvre les églises paroissiales avec leur titulaire, mais également les nombreuses succursales qui vivifient ce pays de montagne. Pour le département, il s’agit des communautés des vallées de l’Ubaye et de Barcelonnette, de Seyne et du bassin de Turriers, soit une trentaine de communautés.
Achard, 1787-1788
Avec sa Description historique, géographique et topographique, l’auteur compose une notice sur chaque communauté de Provence. Outre l’église paroissiale et son titulaire, il répertorie les prieurés, les succursales, les chapelles, décrit les pèlerinages et les fêtes patronales, tente parfois un historique d’un monument en recherchant sa fondation où les Templiers sont trop souvent les initiateurs. Composée juste avant la Révolution, cette description reconstitue l’état des paroisses de l’Ancien Régime.
Abbé Féraud, 1849 et 1879
Deux ouvrages permettent d’appréhender la vie religieuse au cours du XIXe siècle, Les Alpes-de-Haute-Provence. Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes et Souvenirs religieux des Eglises de la Haute Provence. Dans le premier il recense les communes par cantons en proposant une description géographique et historique de chacune. Le paragraphe réservé aux édifices religieux nous renseigne sur les édifices, les succursales, chapelles et coutumes. De grandes phrases sont recopiées textuellement d’après Achard qui n’est pas cité, ainsi que l’abbé Albert. Si bien qu’il reproduit sans vérification les erreurs commises par ses prédécesseurs. Il a également tendance à attribuer ou à faire attribuer de nombreuses fondations à l’Ordre du Temple qu’il rencontre presque partout.
Répertoire des abbayes et prieurés, 1909 et 1935
Trois moines bénédictins offrent un répertoire complet des abbayes et prieurés. Ce sont d’abord Dom Beaunier et Dom Besse qui publient en 1909 Abbayes et prieurés de l’ancienne France. Puis c’est au tour de Dom Cottineau en 1935 avec son monumental Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés. Le premier présente un classement par diocèse, le second par ordre alphabétique. Une abondante bibliographie accompagne chaque notice.
Les monographies
Elles sont l’œuvre d’érudits, le plus souvent des curés de paroisse, qui rédigent une histoire d’un village. Composées essentiellement à la fin du XIXe et début XXe siècle, elles sont beaucoup plus détaillées que les œuvres précédentes, s’attachant à un sujet particulier et donc plus restreint. On peut citer, entre autres, les abbés Aillaud, Corriol, Féraud, Maurel et Pélissier.
L’Atlas historique
Œuvre de trois éminents historiens, paru en 1969, cet Atlas présente les données historiques essentielles concernant chaque commune de Provence. Des cartes, principalement celles concernant les ordres religieux, permettent de saisir d’un coup d’œil l’implantation des abbayes sur le territoire de chaque commune.
L’association pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine religieux de la Haute-Provence
Cette association a publié depuis les années 1980 plus d’une trentaine de bulletins concernant le patrimoine religieux du département. Une grande partie d’entre eux est consacrée à l’étude d’un monument ou aux édifices religieux d’une commune. Parallèllement, elle dresse un inventaire des lieux de culte par commune.
Guides touristiques et Internet
Ce sont les dernières sources qui fournissent des renseignements sur les lieux de culte, malheureusement sans citer les sources, à part Wikipedia mais qui se sert d’informations infondées comme celles fournies par Michel de la Torre. Un gros travail d’inventaire photo a été réalisé par Joël-Bernard AUBERT qui couvre tout le département (à consulter sur Internet, dignois : Chapelles Provence et PACA).
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Notre enquête sur les lieux de culte est divisée en deux parties. Dans la première nous présentons par ordre alphabétique des communes les notices les concernant ; dans la deuxième nous tentons un classement chronologique.