La commune actuelle de la Robine résulte de la fusion de quatre communes effectuée en 1973, Ainac, Lambert, Tanaron et la Robine. Aussi, nous allons les examiner séparément.
AINAC
La commune faisait partie du diocèse et de la viguerie de Digne. Elle offrait une petite superficie de 519 hectares dans un environnement de montagnes abruptes, avec un habitat perché à près de 1100 mètres d’altitude. Il n’existait que deux feux en 1315 et en 1471, le terroir est déclaré inhabité. Le maximum sera atteint en 1851 avec 125 habitants. Au XIVe siècle, en 1376, est nommée une église desservie par un cappellanus de Hoenaco qui s’occupe en même temps de la paroisse de Lambert (Pouillés, p. 258). Le village est alors au lieu-dit Villevieille comme le stipule l’affouagement de 1727, le lieu est en un hameau appelé Villevieille et le surplus en bastiments épars (C 18). Mais quelques années plus tard, en 1774, le chef-lieu se trouve à Ainac, plus précisément à l’Espinasse, où il y a huit maisons habitées, tandis que Villevieille n’en possède plus que sept (C 25) 1. Il ne semble pas qu’il y ait une église paroissiale à Villevieille, l’évêque en visite en 1683 la situe à Ainac sous le titre de Notre-Dame (1 G 5). Déjà en 1376 un seul chapelain dessert les deux paroisses d’Ainac et de Lambert et la situation perdure jusqu’en 1863, année où l’église d’Ainac est interdite car en trop mauvais état (2 V 87). Elle a été restaurée récemment.
391. Le prieuré Notre-Dame de Salloé
Ce prieuré est cité en 1180 comme faisant partie des biens du chapitre de Digne (Isnard, p. 136) mais ce dernier ne sait pas où le situer, peut-être à Ainac, avec un point d’interrogation. Mme Viré, en 1992, fait de même en citant Isnard 2. Il est ensuite cité par les Pouillés en 1351 avec un capellanus de Salloye (p. 257). La confirmation de sa localisation à Ainac est donnée par l’affouagement de 1698 : Il y a un seigneur qui est l’évêque de Digne et qui perçoit le quart de la dîme et un prieur qui en perçoit les trois quart. Le prieur d’Aynac possède une terre dans laquelle est bastie la meyson clastralle situé au terroir d’Eynac au cartier de Sallouye depandant du prieuré, franche de taille n’ayant jamais esté encadastrée pour estre de l’antien domaine de l’église et avoir esté toujours possédée par les sieurs prieurs dudit lieu (C 18). On voit que l’évêque, depuis 1180, a récupéré le quart de la dîme sur le chapitre. Cet état est confirmé par l’affouagement de 1774, la dixme va au trois quart au sieur prieur et un quart à l’évêque (C 25). Un coutumier de la paroisse Ainac-Lambert commencé en 1866 relate : la commune d’Eynac formait avant la révolution un prieuré cure distinct de celui de Lambert. On n’a conservé de l’ancienne paroisse d’Eynac que l’église. Le presbytère a été démoli depuis 50 ou 60 ans et le sieur Gassend de Lambert propriétaire actuel d’une partie des biens du prieuré y a construit un petit bastidon avec colombier sur les ruines et avec une partie des matériaux de l’habitation du prieuré.
Le nom de la commune est issu d’un nom d’homme gaulois Ainus avec le suffixe -acum, signifiant le domaine d’Ainus, indiquant une fondation gallo-romaine (Rostaing, p. 353). Ce gallo-romain qui a donné son nom à la commune est peut-être à mettre en rapport avec le vocable Salloé, Sallac, Sallouye et même Notre Dame du Salut en 1743 par attraction. L’origine du mot provient peut-être du latin sal « sel », faisant référence à une source d’eau salée située non loin d’Ainac et que le colon romain a pu exploiter.
LAMBERT
Cette ancienne commune de 520 hectares n’est guère plus favorisée que celle d’Ainac à qui elle fait face sur la rive gauche du Galabre. C’est ce que fait constater l’abbé Féraud, la commune de Lambert n’est séparée de la précédente que par le Galabre, qui prend sa source dans son territoire et se jette dans le Bès. Le village de Lambert n’est qu’à dix minutes de celui d’Ainac : aussi ces deux communes ne forment qu’une seule et même paroisse, et n’ont aussi qu’une seule école (p. 70). On l’a vu avec Ainac un même chapelain dessert les deux paroisses, cité en 1376, cappellanus de Lamberto et Hoenaco. L’église est sous le titre de saint Pierre et la dîme revient par moitié au seigneur évêque de Digne, l’autre moitié au curé selon le même affouagement de 1698. Il n’existe pas de chapelle rurale.
TANARON
Cette ancienne commune de 2012 hectares est située entre Lambert et Esclangon/La Javie. Dans le même contexte de terrain que les deux précédentes, son territoire n’a jamais accueilli plus de 250 habitants. Elle était formée de deux castra qui très vite ont fusionné. On les reconnaît quand en 1351, les Pouillés nomment un capellanus de Tanarrono qui perçoit 12 livres et un capellanus de Roccarossa qui perçoit 7,80 livres. En 1376, il n’est plus cité que le chapelain de Tanaron (p. 257-258). Le castrum de Tanaron était protégé par une tour dont les ruines dominent de 50 mètres d’altitude le village (1113 m). C’était une possession des évêques de Digne. C’est ce que confirme l’affouagement de 1698, l’évêque est seigneur du lieu (C 18). L’église paroissiale est sous le titre de saint Laurent et selon la visite de l’évêque en 1683 il y a le maître autel avec un tableau représentant Jésus crucifié, la sainte Vierge et saint Laurent. Au costé de l’épitre, une chapelle dédiée à Notre Dame du Rosaire avec un autel et un tableau à platte peinture représentant la sainte Vierge, saint Dominique et sainte Catherine à ses costés. Au costé de l’évangile, un autel avec un tableau représentant saint Joseph tenant le petit Jésus en ses bras (1 G 5, f° 64-66). L’église est aujourd’hui en ruine.
392. Saint-Jean-du-Désert à Rocherousse
Rocherousse figure encore sur les cartes, au nord de la commune, sous la forme d’un nom de lieu-dit constitué d’une barre rocheuse dominant les gorges du Bès. Il n’existe pas d’habitat, seulement une chapelle ruinée dédiée à saint Jean. Elle figure en état sur Cassini. Il s’agit de l’ancienne paroisse de Rocherousse. Quand R. Collier la visite en 1971, il rencontre une ruine, sans toiture ni voûtes… Elle doit remonter, originellement, au XIIIe siècle (p. 147). Des moines orthodoxes s’y sont installés et depuis ont restauré la chapelle qui porte maintenant le titre de Saint-Jean-du-Désert.
393. La chapelle de Combasse
Le cadastre napoléonien de 1829 signale deux hameaux de la Basse et la Haute Combasse. Ils sont situés à l’ouest de la commune à près de 1300 mètres d’altitude. Il n’en subsiste aujourd’hui que des ruines. D’après le cadastre ils regroupaient une dizaine de maisons. A cause de l’éloignement de l’église paroissiale, une chapelle succursale y a été construite. C’est ce qui constate l’évêque en 1683, il y a une chapelle au hameau de Combasse bastie par les habitants. Elle n’est plus citée par la suite et on ne connaît pas son titulaire, peut-être saint Jean car un quartier porte ce nom dans le quartier de Combasse.
394. La chapelle de Pudayen
Cette chapelle rurale est citée lors des visites du XIXe siècle, en 1857 (2 V 88). L’abbé Féraud n’en parle pas, seulement pour dire que le seul hameau de cette commune s’appelle Pudayen (p. 93). Achard cite seulement une annexe ou Succursale sous le titre de S. André, sans préciser où elle se trouve ni quel est son titulaire. Par contre le cadastre napoléonien cité un lieu-dit Ste Anne à côté du hameau. Pour l’instant, il n’est pas possible de trancher.
LA ROBINE
La commune est située au sud des trois précédentes dans le même contexte de terrain, aux abords du Galabre. D’une superficie de 1195 hectares, le terroir n’offre qu’une terre stérile d’où la commune tire son nom. La population n’a jamais dépassé les 190 habitants, il n’en subsiste que 48 en 1962. Ce n’est qu’en 1180 qu’apparaissent deux églises appartenant au chapitre de Digne, mais l’évêque conserve des droits sur l’une d’entre elle (Isnard, p. 136). Le chapitre a des possessions également à Rochebrune. L’église paroissiale de la Robine est sous le titre de saint Pons avec comme patron saint Vincent et est établie en un endroit isolé, entourée du cimetière. Elle dépend du chapitre et est desservie par un capellanus de Robina en 1351 et 1376 (Pouillés, p. 257 et 258). Quand l’évêque vient la visiter le 12 septembre 1683, il est dit que Paul de Bollogne, chanoine du chapitre, est prébendé audit lieu et qu’au clocher il y a deux cloches (1 G 5). Elle va rester paroissiale jusqu’au XIXe siècle, moment où une nouvelle église la remplace entre les hameaux du Forest et des Amandiers, dédiée à saint Vincent. Dès lors, la première paroisse devient une simple chapelle rurale et en 1899 l’ancienne église paroissiale à 1 km du village est à peu près abandonnée (2 V 73, n° 272). Elle a été restaurée en 2000.
395. Saint-Vincent-le-Vieux ou de Garbesia
C’est une église qui est citée en 1180 comme appartenant au chapitre au même titre que celle de Saint-Pons de la Robine. Elle est sous le titre de Saint-Vincent de Garbesia (Isnard, p. 136). Elle réapparaît en 1351 desservie par un cappelanus de S. Vincentii Veteriis qui perçoit 8 livres 10 sous (Pouillés, p. 257). Elle n’est plus citée par la suite. Isnard avoue qu’il ne reste aucune trace du toponyme Garbesia et M.-M. Viré la situe en face de la Robine. Seule la carte de Cassini signale une chapelle ruinée sous le titre de St Vincent. L’emplacement, sur la rive gauche du Galabre correspond au lieu-dit St-Pierre actuellement. L’abbé Féraud rapporte qu’une tradition glorieuse pour la Robine porte que cette vallée a été évangélisée et desservie, pendant plusieurs années, par saint Vincent, apôtre et second évêque de Digne (p. 65) 3. La rive gauche du Galabre comprend de nombreux lieux-dits dédiés à saint Vincent, un sommet, un vallon, un ravin et même le Serre du clastre. La sujétion de l’abbé Féraud pourrait accréditer la tradition d’un ermitage créé au IVe siècle par saint Vincent avant qu’il ne devienne évêque de Digne. Le qualificatif de Saint-Vincent-le-Vieux attribué en 1351 à l’église conforte cette hypothèse.
396. L’église de Rochebrune
Ce petit fief fut uni très tôt à la Robine. Il est cité en 1180 lors de la confirmation des biens du chapitre par le pape Alexandre III, où le chapitre y possède des biens. Mais ce dernier jouit également des revenus de la cure et de l’église, puisqu’en 1351 la prébande se monte à 17 livres et le cappellanus de Rocabruna perçoit 17 livres et 10 sous (Pouillés, p. 255 et 257). Isnard fait remarquer que les droits du chapitre sur Roquebrune étaient de nature seigneuriale. D’ailleurs, le chapitre prête hommage pour Roquebrune en 1309 (p. 309-310). Roquebrune est indiqué par Cassini et les cartes modernes et peut être placé à l’endroit où le Galabre rejoint le Bès, rive droite du Galabre entre Rosabeau et Beau Villard, où est indiquée une chapelle ruinée non loin de la rivière. Si l’église de Rochebrune est bien attestée en 1351 avec un chapelain la desservant, on ne connaît pas son titulaire. Mgr Le Tellier, lors de sa visite de 1683, n’en parle pas et aucun document ne vient confirmer son existence par la suite.
Synthèse
Les quatre anciennes communes offrent à peu près les mêmes situations. C’est d’abord l’emprise de l’évêché de Digne et du chapitre non seulement sur les paroisses, mais également parfois en tant que seigneur du lieu. On remarque ensuite l’implantation des premières paroisses avec des églises en plein champ et isolées, comme Notre-Dame de Salloé, Saint-Vincent de Garbesia, Saint-Pons de la Robine, Saint-Jean-du-Désert à Rocherousse. Enfin, l’enchâtellement est peu marqué, l’habitat restant dispersé en petits hameaux et fermes, ce qui n’a pas entraîné un regroupement des populations. Il faut avouer que les conditions de vie difficiles n’ont pas favorisé l’expansion du peuplement avec un centre communautaire important.
1 L’état des sections du cadastre de 1813 détaille deux sections, section A, de l’Espinasse, avec 11 maisons et 1 église, section B, de Villevieille avec 10 maisons (3 P 19).
2 MM. VIRE, BSSL, Digne, p. 61.
3 En fait saint Vincent est reconnu comme ayant été le premier évêque de Digne. Atlas indique l’année 374 et en note alias de Corbario. Peut-on rapprocher Corbario et Garbesia ?