Faisait partie du diocèse de Glandèves et de la viguerie d’Annot, aujourd’hui dans le canton d’Entrevaux. La commune de 1880 hectares est située au sud d’Entrevaux et de Puget-Théniers, en limite avec le département des Alpes-Maritimes. L’habitat est établi en petits hameaux et fermes compris entre 800 et 1000 mètres d’altitude. La population a atteint son maximum en 1851 avec 427 habitants et en comptait 170 en 1472 après la grande peste, ce qui laisse supposer qu’au XIIIe elle devait être abondante (Atlas, p. 192). Le castrum de Las Roquetas est cité au début du XIIIe siècle (Bouche, p. 282). En 1351, sont cités un prior et un vicarius de Rochetis, puis en 1376 l’ecclesia de Rocheta (Pouillés, p. 263-264). Cette dernière, selon Féraud, a pour titulaire ND-des-Parans et pour patron saint Saturnin. Cette dernière fête se célèbre le lundi de la Pentecôte ; on fait ce jour-là une procession à une chapelle rurale au bruit de l’artillerie du pays (p. 311). Une chapelle Saint-Joseph est signalée au XIXe siècle, située dans le village, près du presbytère, où le curé dit la messe tous les jours selon l’enquête de 1899 (2 V 73, n° 275).

401. Le prieuré Saint-Saturnin

C’est un prieuré dépendant de l’abbaye de Lérins. Il est recensé avec celui de Saint-Martin à la Roquette-Chanant dans l’introduction du tome 2 du cartulaire de Lérins qui ajoute que, en 1346, le prieuré comptait 19 emphytéotes et dont les biens furent cédés, en 1715, à l’archidiacre de Glandèves (CL 2, p. CL). La donation semble avoir été faite au cours du XIIe siècle quand Isnard, dit Aygulfe, donne à l’abbaye toutes les propriétés qu’il possède à la Roquette, tant au château que dans la ville (CL, n° CVI, p. 97-98 et Série H, ADAM, n° 462, p. 91). Le prieuré restera dans les mains de l’abbaye jusqu’au 21 octobre 1715 où celle-ci cède tous les droits que le monastère est en coustume de prendre dans les prieurés de Saint-Saornin et Saint-Martin, situés audict territoire de la Rochette, consistant en droit de dixme, sens, domaines, terres et autres, en faveur de l’archidiacre de Glandèves (CL 2, XL, p. 78). Ce dernier devra verser en contrepartie à l’abbaye 36 livres de rente perpétuelle annuelle. Lors de l’estimation des biens nationaux du 18 mars 1791 sont recensés, une cabane, petit bâtiment joint ensemble à la chapelle, quartier de St-Saturnin. Un domaine composé de terres labours ayant au milieu une vieille chapelle démolie et abandonnée, possession de l’archidiacre de Glandèves, vendue le 4 avril 1791 à Jean-Baptiste Joseph Laurens de Bagny, de la Rochette pour 9500 livres (1 Q 5).

En 1846, la chapelle est en bon état, en 1858 et le 25 juillet 1870 elle a besoin d’être réparée, puis le 12 octobre de la même année, elle a été restaurée à demi (2 V 87). Ensuite, elle est passablement entretenue en 1891 et en 1919 il est nécessaire de faire des réparations à la chapelle St-Saturnin (2 V 93 et 95). Quand Pierre Bodard la décrit en 1979, elle se dresse en bordure du chemin antique qui relie le Col de St-Raphaël au Col du Trébuchet. Elle est située en milieu désertique ; non entretenue, elle est en voie de dégradation définitive. Elle est moyenageuse ainsi qu’en témoignent son architecture et l’appareillage de la façade. Aux environs immédiats, on recueille en grand nombre des fragments de tegulae. Comme la chapelle se dresse au sommet d’une toute petite éminence en bordure du grand chemin, il est permis d’en déduire qu’elle a pu succéder à un monument beaucoup plus ancien (tombes, fanum…) 1. R. Collier complète la description : les murs du choeur de cette chapelle isolée, à chevet plat, à moulure formée par un méplat et un chanfrein, peuvent remonter à la fin du XIIe siècle. Un pèlerinage vivace aboutissait ici, chaque année, il n’y a pas encore deux décades (p. 144). Il est mentionné par Féraud, procession à une chapelle rurale au bruit de l’artillerie du pays, comme relaté plus haut. La chapelle a été restaurée en 1999.

402. Prieuré Saint-Martin

Il est cité en même temps que le précédent et les textes font parfois douter de son existence réelle, car assimilé à celui de Saint-Saturnin. On a parfois le prieuré Saint-Martin et de Saint-Saturnin ou les prieurés de … En tout cas les Pouillés de 1351, citent, non seulement le vicarius de Rochetis, mais également l’ecclesia Sancti Martini de Rochetis. Jusqu’à la cession de 1715 à l’archidiacre de Glandèves, les deux prieurés sont toujours cités ensemble comme en témoigne la série H des ADAM (n° 462 à 472, p. 91-92). Les dates s’échelonnent du XIIe siècle à 1715. Saint-Saturnin étant le patron de la paroisse, sa chapelle a continué d’être plus ou moins entretenue à cause du pèlerinage annuel pratiqué par les habitants. Par contre Saint-Martin semble avoir été complètement abandonné puisque Cassini et les cartes modernes ne livrent aucun renseignement sur un éventuel toponyme. Seul le cadastre de 1818, en section D 2 livre un nom de quartier portant le nom de Saint-Martin ainsi qu’un bâtiment nommé pareillement (parcelle 356). Il faut le situer au SE du village entre celui-ci et Préforans.

Inventaire des biens des prieurés de la Rochette

Le tome 2 du cartulaire de Lérins offre un texte riche en renseignements. Il s’agit d’un inventaire de tous les biens, fonds, terres, possessions, maisons et domaine dépendant des prieurés Notre-Dame de Puget-Théniers et de la Roquette-Chanant du 20 octobre 1378. Nous ne présenterons ici que ce qui concerne la Rochette (CL 2, n° XXXV, p. 68 à 76).

Sont énumérés 12 personnes de la Rochette tenant en emphytéose des biens appartenant à l’abbaye de Lérins et dépendant de ses deux prieurés de Saint-Martin et de Saint-Saturnin. Il s’agit de Raymundus Boneti, Johannes Blancardi, Bertonus Compagnoni, Asalaxia fille de feu Petri Rostagni, Guillelmus Bomparis, Guillelmus Guilhecha, Anthonius Blancardi, Vincencius Massoni, Rostagnus Blancardi, Petrus Laugerii, Beatrix fille de feu Petri Ruffii et Saturninus Julha. Elles exploitent 52 terres labourables, 5 près, 4 jardins, 2 condamines, 1 genestière.

Tous ces emphytéotes doivent verser au prieur, le jour de la Saint-Michel, une redevance en nature consistant en anona (blé annone, froment), civate (avoine), une galline (poule) et descoblada porcii (hanches du porc). Le blé et l’avoine sont comptés en émine, sétier ou en quartier.

La plupart des propriétés sont cités dans un quartier ou lieu-dit. On relève, ayant gardé l’orthographe du texte original : Saint-Martin et l’église, Champ Lonc, Prat Lonc, Pra Redon, Champ de Marin, Colla, Ubac, Clusetas à Saint-Martin, Al Mulsonchas près du Vallon, Mons, Clot, Champ Girat, Champ Delgues, Bon Vilar, Sous l’Eglise de Saint Martin, Toeto, Vulnaya près du Vallon, la Colla de Cadenet, Serre de Bresins, Lonias Sancti Martini, Colonbiar près de la voie publique, Avenas, Ubac Sancti Saturnini, Puay Robaut, Colla Davenas, Champ de Mary, Al Clot de Ferant, Serre de Sant Martin, al Font de Servais, Sol Gentil, Meolans, En Champ Parlant, Valon de Monniar près du Vallon et de la voie publique, En le Clot dau Hugo, En lo Fort Gentil, Saint Saturnin près du four et près de la terre du seigneur prieur, Al Champ del Gues, En lo Mont, Rocha Orbiara près de la voie publique, Al Rochas près de la vigne dudit Saturnin et près de la voie publique.

403. Chapelle d’Avenos

Avenos est un hameau situé à l’ouest de la commune, à 1090 mètres d’altitude, sur la voie publique, via publica citée en 1378, non loin du Col du Trébuchet. A cette date il est sous la forme Avenas et Colla Davenas ; on retrouve ce dernier terme déjà en 1043, de colle Avena comme confront dans la charte de Saint-Cassien (CSV II, n° 781, p. 129). La Colle figure encore sur les cartes actuelles. Une chapelle dite domestique est citée le 21 juin 1858 étant livrée au public et propre. Elle est encore mentionnée en 1884, puis n’est plus citée par la suite, sauf en 1899 où elle appartient à un particulier. Elle apparaît avec le cadastre de 1818, signalée par une croix à Avenos (Section A 2, parcelle 384), mais ne figure pas sur Cassini. Le claveau central du portail indique la date de 1815. Vu l’éloignement de la paroisse, il doit s’agir d’une petite chapelle succursale à l’usage des habitants du quartier. On ne connaît pas sa titulature. Elle figure sur les cartes actuelles.

Synthèse

On reconnaît l’empreinte durable imposée par l’abbaye de Lérins pour faire fructifier ses domaines, mais également pour desservir spirituellement la communauté de la Rochette avec l’église paroissiale et ses deux prieurés. Ces derniers sont, semble-t-il pour l’un d’eux, antérieurs à l’arrivée des moines. Saint-Saturnin, posté sur une voie publique et sur un site antique, a pu poursuivre le rôle de relais pour les voyageurs. Saint-Martin, dans un terroir plus riche que celui de Saint-Saturnin, a dû attirer très tôt les colons et les défricheurs, mais les traces sont trop minces pour aller plus avant.


1 BODARD Pierre, « Le haut pays niçois sous l’Empire Romain et le Haut Moyen Age », Mém. IPAAM, T. XXI, 1979, p. 43. 

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry