Faisait partie du diocèse de Digne et de la viguerie de Seyne, aujourd’hui dans le canton de Seyne. La commune, de 2305 hectares, est située en Haute Bléone et possède le même territoire que celui de Verdaches qui lui est limitrophe, mais l’habitat est encore plus haut perché, entre 1200 et 1300 mètres. L’agriculture ne suffit pas à nourrir les habitants qui s’expatrient en hiver. Seuls, le fourrage et l’élevage des brebis et des chèvres, des bœufs et des vaches, mais seulement en été, procurent quelques revenus. Bien peuplé en 1315 avec 500 habitants, la communauté en perd 80 % à la fin du XVe siècle et n’arrive pas à se relever.

Il est probable que le lieu-dit les Auches représente la colonica in Ulegelis recensée par le polyptique de Wadalde de 814 (CSV II, H 40, p. 644). Ce quartier est en effet contigü à celui de Villevieille que nous présenterons plus loin. Le castrum le Vernaro est cité par Bouche au début du XIIIe siècle (p. 271) et correspond à l’habitat du Haut Vernet où est signalée une Tour. Lors de l’enquête de 1252, dans le castrum de Verneto, sont cités plusieurs lieux-dits évocateurs, une terre au Vilar, une autre à Sanctum Clementem, un champ à Sanctum Martinum et un autre à Villa Villia (n° 480, p. 342).

575. Le prieuré Saint-Clément de Saint-Victor

En 1113 et 1135 le cartulaire de Saint-Victor livre deux confirmations d’une cella sancti Clementis de Vernet (CSV II, n° 848, p. 238 et n° 844, p. 227). En 1206 et 1227, il s’agit d’une ecclesia sancti Clementis de Verneto (n° 986 et 987, p. 438). Le prieuré du Vernet dépend de celui de Chaudol. Le texte de 1227 est la confirmation du texte de 1206, faite par le fils de Raimbaud de Bello Joco qui a fait la première donation. Cette donation est la remise des tailles et questes perçues sur les habitants du Clucheret et du Vernet. Le seigneur conserve l’albergue et les cavalcades. Lors de la visite de l’évêque du 18 mai 1683, celui-ci constate qu’il y a un prioré rural monacal possédé par Mr de Lisle religieux de l’abbaye de Saint Victor les Marseille sous le titre de saint Clément, la chapelle estant ruinée où il y a un cimetière sur le grand chemin sans estre fermée la terre s’éboulant dans le grand chemin ; on y trouve quantité d’ossements ce qui estant profanés par les passants ce qui cause un grand scandale. Nous ordonnons que le cimetière soit clos et la terre soustenue par une muraille (1 G 5). Pour retrouver cet ancien prieuré disparu, il faut consulter le cadastre napoléonienn de 1825 où l’état des sections recence en section B un quartier Saint-Clément joint à celui du Priorial. Le grand chemin est l’ancienne route de Digne à Seyne qui ne longeait pas alors la rive du Bès. A proximité sont cités les quartiers de Villevieille et des Auches. Le plan cadastral, section B 1, signale par un rond et une croix St pancrace (alors que l’état des sections cite St Clément) dans le quartier de Villevieille où il mentionne également une tour. L’ensemble de ces quartiers couvre la section B du cadastre située au sud de la commune à l’altitude de 1300-1400 mètres.

Ces nombreux indices indiquent un habitat pouvant remonter à l’époque carolingienne. Le toponyme Villevieille cité en 1252 indique une villa déjà abandonnée à cette date. Situé en milieu ouvert, l’habitat, lors de la période sarrazine, a pu se réfugier sur la colline de Villevieille où le cadastre dessine une tour au sommet. Il redescend à partir du début du XIe siècle et le prieuré est réinvesti par les moines de Saint-Victor. On en a la confirmation en 1113. L’emplacement était propice pour l’agriculture et l’élevage comme l’indique l’enquête de 1252 (voir détail au n° 480). Le passage du grand chemin permettait les échanges et le commerce. Y passait également, ce que le cadastre en B 1 nomme Draye ou passage d’avérage d’Arles.

576. L’église Saint-Pancrace, première paroisse

Aujourd’hui un grand clocher massif domine un tout petit bâtiment isolé dans un champ, à l’écart de l’ancien grand chemin, 500 mètres au sud du Haut-Vernet. Toujours lors de la même visite de 1683, l’évêque se rend à la paroisse du plus haut Vernet dont l’église est sous le titre de saint Pancrace, esloignée dudit village avec un autel et un tableau représentant la sainte Vierge, saint Pancrace et saint Martin. Ladite église avoit esté ruinée pendant les guerres civiles et les habitans ont demandé que le service de ladite paroisse feut transféré à une chapelle sous le titre de saint Martin que les habitans ont fait bastir à leurs frais et dépans contre le village, que Mgr de Bollogne a visité en 1651, ce transfert fut confirmé en 1662. C’est cette chapelle qui va devenir l’église paroissiale du Haut Vernet et que Saint-Pancrace va être abandonné. Cependant, on y va en procession le jour de la fête du saint, selon le coutumier de 1835 (2 V 73). Mais le 14 juillet 1890, la chapelle de saint Pancrace située dans la paroisse du Haut Vernet n’a pas été jugée décente pour qu’on puisse y dire la sainte Messe le jour de saint Pancrace, patron de cette paroisse, attendu que le plafond est percé et pouvant causer des accidents (1 V 93). A l’heure actuelle, un toit moderne a remplacé l’ancienne couverture effondrée.

L’implantation de cette église, loin de l’agglomération, en plein champ, soulève cependant interrogation. Il faut attendre le milieu du XVIIe siècle pour que l’église paroissiale soit établie dans le village. Saint-Pancrace pourrait être à son origine une de ces premières paroisses établies en milieu ouvert et qui, lors de l’enchâtellement et du village groupé, demeure néanmoins le centre cultuel de la communauté. Les cas sont peu nombreux mais nous en avons rencontré quelques uns tout au long de notre étude.

577. L’église Sainte-Marthe du Bas-Vernet

C’est le hameau le plus important de la commune et selon Achard, le plus considérable. Il est situé sur la rive gauche de la petite rivière de Bez qui descend de la montagne de Seyne et se jette dans la Bléoune au-dessous de Barles. L’affouagement de 1744 y recense 20 maisons habitées pour 16 au Haut-Vernet et 15 maisons de campagne (C 25). Pour l’autorité religieuse c’est la paroisse mère de la commune, celle du Haut-Vernet n’étant qu’une succursale. C’est le père abbé de Saint-Victor qui est seigneur du castrum et il fait desservir l’église par un chapelain (Pouillés de 1351, p. 256). C’est encore le cas lors de l’affouagement de 1728 : le seigneur est l’abbé de Saint-Victor (C 21). L’église, dédiée à sainte Marthe, est située au sud du village accompagnée du cimetière. Elle est parfaitement orientée et présente une nef de trois travées séparées par des arcs doubleaux avec pilastres. La voûte est en berceau plein cintre. Le chœur est voûté en cul-de-four.

En face du village, sur la rive droite du Bès, se trouve le quartier dit le Villar où nous retrouvons la draye ou passage d’avérage d’Arles. Ce Villar est mentionné lors de l’enquête de 1252 et ne correspond donc pas à un habitat abandonné lors de la crise du XVe siècle, mais à un abandon plus ancien qui pourrait correspondre à la période qui a suivi celle du VIIIe siècle. Ce premier habitat s’est ensuite reconstitué au cours des XIe-XIIe siècles, non pas au même endroit, mais à l’emplacement du village du Vernet Bas.

578. La chapelle Saint-Joseph de Roussimal

Roussimal est un petit hameau situé au NE du Vernet Haut. Il possédait une chapelle qui est signalée par la carte de Cassini. Grâce au coutumier de 1835, on apprend qu’elle était dédiée à saint Joseph : procession le jour de saint Joseph au hameau de Roussimal. Ce sont les seuls éléments qui nous la font connaître pour l’instant.

Synthèse

La commune du Vernet offre une variété de lieux de culte et donc d’habitats remarquable. Si la présence de Saint-Victor n’est pas assurée en 814, le site de Villevieille révèle un habitat qui lui est contemporain. Son église, dédiée à saint Clément, n’apparaît qu’au XIIe siècle lors d’une confirmation d’existence et de dépendance à Saint-Victor. Un autre édifice, Saint-Pancrace, semble être antérieur à l’enchâtellement, même s’il perdure par la suite comme paroisse castrale. On a reconnu la création de l’église du Haut Vernet au XVIIe siècle, mais à l’emplacement d’une chapelle dédiée à saint Martin dont elle va prendre la titulature. Or dans la même section B où se trouve Saint-Clément on relève le toponyme Saint-Martin qui est cité déjà en 1252. La coincidence est à relever, laissant présager là aussi un autre lieu de culte. Quant au Bas Vernet il semble avoir succédé à l’habitat du Villar. La chapelle de Roussimal est un lieu de culte créé au XVIIIe siècle pour desservir un habitat éloigné. La titulature à saint Joseph en témoigne.

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry