Deux étonnantes photos de Victor de Cessole prises entre le 21 et le 24 septembre 1910 (photos 1 et 2) m’ont incité à rechercher cette superbe cabane de pierres sèches.
Elles sont annotées « Bergerie de l’aire des Camps, Calern », toponyme introuvable dans la commune de Caussols.
(Photo 1: Victor de Cessole)
(Photo 2: Victor de Cessole)
En observant les clichés Laurent Del Fabbro a immédiatement reconnu la partie ouest des barres de Calern à l’arrière-plan, ce qui a restreint considérablement le champ de recherche. Merci à lui !
Une première visite dans les quartiers potentiels des Gleirettes, du Planestel et de la Bouissière m’a fait découvrir deux très belles cabanes de pierres sèches, mais aucune trace de celle photographiée en 1910, me suggérant l’idée que cette construction pouvait avoir disparu en grande partie ou totalement.
J’ai donc opté pour une recherche sur plan en essayant de tirer parti des angles de parallaxe déduits de détails alignés verticalement dans les barres calcaires sur les photos et discernables sur une vue aérienne verticale de Google Earth.
Le cliché 3, extrait de la partie droite de la photo 2, montre ainsi deux aiguilles calcaires dont la plus proche est alignée avec une fissure ovalaire située juste au-dessus mais dans un plan plus lointain.
(Photo 3: Victor de Cessole)
Retrouvés dans Google Earth, ces deux objets permettent de tracer une première droite (ligne rouge sur la photo 4).
Des détails repérés dans la partie gauche de l’image autorisent à tracer deux nouvelles droites (photo 5). Elles permettent d’obtenir 2 points (cercles blancs). Les lignes vertes ont servi à vérifier le bien-fondé de la méthode à l’aide d’une photo prise à leur point d’intersection.
(Photo 4: Brieuc Fertard, à partir de Google Earth)
(Photo 5: Brieuc Fertard, à partir de Google Earth)
Une deuxième visite sur le terrain a été effectuée avec les photos en main et ces deux points enregistrés dans un GPS pour inspecter en détail toute la zone.
Un cercle de pierres caché sous un conifère poussant en son centre a été trouvé (photos 6 et 7, vues depuis l’est, 8 depuis l’ouest et 9 depuis le nord).
(Photo 6: Brieuc Fertard)
(Photo 7: Brieuc Fertard)
(Photo 8: Brieuc Fertard)
(Photo 9: Brieuc Fertard)
Son diamètre ainsi que son ouverture au sud confortent l’idée qu’il s’agit de la borie recherchée.
Il n’en reste à vrai dire plus grand-chose au-dessus du sol.
Une photo aérienne trouvée un peu plus tard et prise en 1974 (Geoportail) montre la présence exactement à cet emplacement d’une borie, déjà sans toit à cette époque (photo 10).
Elle est située à 28 m et 51 mètres des deux points calculés ce qui représente une assez bonne approximation sachant que les éléments ayant servi de repères sur la droite sont distants de 972 m et 1018 m (photo 5). L’erreur angulaire est faible.
(Photo 10: Brieuc Fertard)
L’étude du cadastre de 1832 apporte quelques précisions (photo 11, cadrage identique à la précédente).
L’ensemble constituait un domaine de 2,5 ha comprenant une terre déboisée et défrichée (essart) avec au nord une bergerie et son courtil (jardin), trois petites dolines cultivées au centre et une aire (de battage) au sud-est.
(Photo 11: Brieuc Fertard)
Cette organisation met en évidence que la belle construction de pierres sèches visitée par ces dames venues de Nice en 1910 devait servir de cabane pour protéger les outils et les récoltes de grains quelques décennies plus tôt.
Curieusement, le cadastre de 1929 désigne l’ensemble du terrain comme pâture et les 5 petits lots internes comme friches, y compris la bergerie et l’aire.
Enfin, sur le plan cadastral de 1951 le domaine prend sa configuration actuelle. La bergerie et le courtil sont remplacés par une seule construction en « L ». L’aire et les deux labours les plus proches sont intégrés à la grande parcelle.
Il n’est pas toujours simple de retrouver l’emplacement d’une construction ancienne, particulièrement lorsqu’il n’en reste que quelques traces.
Dans ce cas la configuration du terrain a grandement facilité le calcul de la position avec une assez bonne précision.
La photo 12 montre l’évolution de l’environnement en 113 ans. La borie est sous le conifère au centre gauche.
Le Gif qui suit permet la comparaison avec la photo 2 prise au même endroit et avec le même cadrage.
(13/11/2023)
(Photo 12: Brieuc Fertard)