Faisait partie du diocèse de Senez et de la viguerie de Castellane. Aujourd’hui dans le canton de Saint-André-les-Alpes. Terroir montagneux traversé par le torrent de l’Ivoire (altitude moyenne du torrent : 1050 m). Au XVe siècle, la communauté de Vauclause située au nord d’Allons lui est rattachée. Elle comprend 12 feux en 1315, soit une soixantaine d’habitants. Aucune église paroissiale  n’y est mentionnée lors de l’enquête de 1278.  La paroisse d’Allons vénère deux saints : Domnin et Martin qui ont chacun une chapelle hors du village. Celle de Saint-Martin est facilement datable, créée par les moines de Saint-Victor au début du XIIe siècle. La fondation de Saint-Domnin apparaît être antérieure, sans doute à l’époque carolingienne. Toutes deux faisaient l’objet d’un pèlerinage avec procession et messe le jour de la fête du saint.

8. La chapelle Saint-Martin, prieuré de Saint-Victor

En 1042, Pontius Silvanus donne à Saint-Victor un manse in villa quam nominant Alons. Le manse  est tenu par Girardus Pecia Cudas. Le terme villa remonte à l’époque carolingienne et désigne un grand domaine avec les fermes (manses) et ses annexes, ainsi que des terres, près, bois, etc. Elle appartient à un riche propriétaire, Pons Sylvain, qui réside à Annot. Il a confié la gestion d’un de ses manses à un tenancier nommé Girard. Il en fait don aux moines (1) . Ceux-ci s’y installent et construisent une cella, un prieuré, qui est citée en 1113 (CSV II, n° 848, p. 238). L’église du prieuré apparaît peu de temps après, en 1122, ecclesia sancti Martini de Alonz (CSV II, n° 777, p. 123). A la même date de 1122 est citée, outre l’ecclesia sancti Martini de Alonz, la parrochia de Alonz. Une église paroissiale a été créée dans le village où s’est regroupée la population. Elle reprend la titulature de l’église du prieuré, saint Martin. Celui-ci est encore cité en 1135, cella de Alunz (CSV II, n° 844, p. 227).  Après cette date le prieuré n’est plus nommé.

En 1278, il n’existe nec domus religiosa nisi prioratus dicti loci, mais l’église paroissiale est tenue par un prieur et la collation appartient à l’abbé de Saint-Victor.  La famille Silvain d’Annot citée en 1040 possède encore une maison noble à Allons, domus Salvani de Annoto (Enquêtes, p. 429-430, n° 843-844). Le prieuré n’apparaît pas dans les listes du 17 septembre 1337 concernant l’évêché de Senez dont dépend la paroisse d’Allons. Complètement abandonné, le prieuré tombe en ruine. La carte de Cassini (n° 153) signale encore le cimetière et ancienne église à son emplacement.

Un autre castrum va connaître une vie éphémère, celui de Vauclause situé au nord de la commune. Il est cité lors de l’enquête de 1252, apud Vallem Clausam, mais il n’abrite pas de maison religieuse et ne possède pas d’église paroissiale (Enquêtes, p. 429, n° 841-842). Cette absence est confirmée par les Pouillés de 1300 où est cité un seul prieur pour les deux castra, prior de Alonsio et Vallis Clause (p. 290).

Le coutumier de 1835 précise que l’on fait la fête de saint Martin, patron de la paroisse, le 11 novembre et en 1899 que la chapelle s’ouvre le 15 août pour les vêpres et le lundi après le 16 septembre pour la grand’ messe. Elle a été bâtie en 1856 par les habitants sur l’emplacement de la vieille église  après délibération du conseil municipal et autorisation préfectorale du 5 mai 1855. La visite de 1858 est encore plus précise : commencée seulement en 1854 et non encore achevée elle est sous le vocable de l’Immaculée Conception de la Ste Vierge, de saint Joseph et de saint Martin (2 V 90). En fait, la nouvelle chapelle n’a pas été construite sur l’ancienne, mais plus près du village.

9. La chapelle Saint-Domnin, premier protecteur

Si saint Martin est le titulaire de la paroisse, saint Domnin en est le patron protecteur. Une chapelle existe encore aujourd’hui sous le titre de saint Domnin. En milieu ouvert, il pourrait s’agir de la première paroisse, celle qui a précédé celle du prieuré de Saint-Martin. Elle est située au quartier de la Moutière, déformation du mot moutier, moustier, monastier, monastère. Il est possible d’envisager une première paroisse carolingienne fondée par un monastère dont il ne subsiste plus que le toponyme évocateur. Un autre toponyme à proximité renforce cette hypothèse, le Ravin des Villas et les Villas. Les moines de Saint-Victor, en arrivant au XIe siècle, apportèrent le vocable de saint Martin, mais les paroissiens, tout en acceptant ce patronage, voulurent garder leur premier protecteur, saint Domnin, premier évêque de Digne que l’on fête le 16 septembre (2) .

Le coutumier de 1835 relate que le 16 septembre on célèbre dans la paroisse la translation des reliques de saint Domnin, premier évêque de Digne. En 1848 il est même précisé que la paroisse d’Allons possède de vrais reliques de saint Domnin, évêque de Digne, elles furent apportées de ce lieu il y a environ 150 ans. A cette date, la chapelle est en mauvais état. Dix ans plus tard, la chapelle saint Domnin est fort ancienne et très petite et est située à la distance de 5 km à peu près du village. En 1872, elle est toujours en mauvais état, puis en 1870 et 1872 en assez bon état (3). Enfin, en 1899 l’enquête sur les lieux de culte confirme le pèlerinage : que la chapelle dédiée à saint Domnin, à 3 km sur la route d’Allons à Saint-André, a été bâtie à une date inconnue sur un terrain particulier. Elle s’ouvre le 13 février et le 16 septembre avec une procession et une grande messe. Bailly (p. 45) la décrit ainsi : en bordure d’une prairie dans un site alpestre magnifique, à proximité d’un torrent aux eaux claires et fraîches. Petit édifice, certainement du XVe siècle, à deux travées et abside semi-circulaire de style roman. On remarque que l’abside est orientée vers l’est.

Synthèse

Le site de Saint-Domnin paraît bien se révéler de la période carolingienne et être à l’origine de la première communauté paroissiale. Il est situé au pied de la colline du Castelas où s’élevait un oppidum protohistorique. Un deuxième site pourrait également relever de la même période, celui de la bastide d’Haut-Ville, à 1 km au NE du village. Il pourrait s’agir d’un domaine carolingien situé sur une colline, la villa haute, avec des terres cultivables aux abords du Ravin des Combes (altitude : 1124 m). Le prieuré de Saint-Martin créé par Saint-Victor au XIe siècle va donner sa titulature à l’église du village.


(1) CSV II, n° 779, p. 128. Ego Pontius Silvanus, pro remedio anime mee et pro animabus parentum meorum, dono Deo et sancto Victori, Massiliensis monasterii, martiri Christi, et ejus congregationi duos mansos, unum in villa quam nominant Alons, quem tenet Girardus Pecia Cudas, et alium in castra quem nominant Petriscum, quem tenat Abundius.

(2) En fait, le premier évêque de Digne fut saint Vincent et non saint Domnin, son compagnon, comme on l’a cru fort longtemps.

(3) Visites pastorales de 1848, 1858, 1870 et 1872 (ADAHP, 2 V 90).

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry