Faisait partie du diocèse de Glandèves et était chef-lieu de viguerie. Aujourd’hui chef-lieu de canton. La commune s’étend dans un territoire montagneux, le village et les hameaux étant répartis le long de la Vaire. La population a toujours été relativement importante malgré un lieu difficile à cultiver. Il subsistait en 1471, après la grande peste, près de 350 habitants, ce qui suppose qu’elle se montait largement à plus de 1000 habitants au XIIIe siècle, chiffre qu’elle va retrouver à partir du XVIIe siècle.

Les donations à Saint-Victor de 1042

Les donations sont établies par plusieurs personnages dont le principal est Pons Sylvain. Elles sont faites à Saint-Victor et à l’église Saint-Pons qui est dans le territoire appelé Sigumanna (CSV II, n° 779, p. 126-128).  Guérard, suivi par Charles Rostaing, y reconnait l’ancien nom du bourg d’Annot. Or ce dernier est cité dans la charte sous son nom actuel, Ermenricus de Anoth. Sigumanna  est un territoire et pas simplement un nom de lieu à identifier avec Annot. Dans le texte qui suit la charte (n° 780), le vocable est cité sous la forme de Sago magna, le rédacteur ayant cherché à rendre clair un toponyme obscur. Pour Charles Rostaing, le toponyme provient de la racine pré-indoeuropéenne *s-k, à valeur oronymique et hydronymique. Il cite un Seguemagne dans la commune du Thoronet (Lorgues, Var) et un autre Sigomagna  dans la région de Riez, près de Valensole (p. 246).  Le vocable ne s’est pas prolongé dans le temps. C’est dans ce territoire de Sigumanna qu’est réalisée la première donation, dont sont donnés les confronts. On peut ainsi le situer entre les Scaffarels et le village de Saint-Benoît au nord du Coulomp. Sont cités en effet le Coulon (Cala), la Vaire (flumen Vaira), Lare (Lara) et le Serre (Serretum). Sont cités également des toponymes disparus, la Penne de Roca Rufa et le ruisseau Tribulum. Un autre territoire est cité, celui de Desomena. Guérard (CSV II , dict. géog., p. 864) le situe à la Saigne ou la Soigne, dans la commune d’Ubraye. Le même Pons Sylvain avec son frère, leurs épouses et fils, donnent une pièce de terre qui fait partie du manse de Benedictus et qui est près d’un clos planté en vigne faisant partie du domaine (dominicata), peut-être le quartier de la Condamine.  

Puis, plusieurs personnes font don à Saint-Victor de pièces de terre, de champs, de prés et surtout de vignes. C’est d’abord Willem, neveu de Pons Sylvain, qui fait don d’une vigne. Puis c’est Joan et son épouse qui offrent la moitié d’un champ appelé Ruptus ainsi qu’une partie d’un pré appelé Cellata (peut-être la Salette au Fugeret). Ils donnent encore une vigne domaniale située à Ceresarios, ainsi qu’une autre avec une source qui arrose un jardin. Puis, c’est Milon qui donne une vigne, une modiée de terre sur le mont Tribularium, une autre terre et deux autres vignes dont une du nom de Taman.

Géronda, de la lignée de Pons Sylvain, avec ses fils, fait don de toute la terre culte et inculte qui est de l’alleu de son père. Cette terre s’étend en-dessous de la Combe jusqu’à la Vaire et le chemin qui va au castrum Petriscum (Peyresq). Hermenricus donne trois parts des terres de Berlet qui font partie du manse Primus avec le pré de la baume de Canera. Ermericus de Anoth donne une pièce de terre qui confronte la baume Caneira qui se trouve dans le villare de Almald. Jean Garnier offre quatre sétérées de terre in villa Crispa, ainsi que la moitié d’une terre nouvellement défrichée (rota, routte) et une autre pièce de terre à Desomena. Enfin, Pons Sylvain fait don au monastère de deux manses, un dans la villa appelée Alons (Allons) que tient Girard et un autre dans le castrum appelé Petriscum (Peyresq) que tient Abundius.

Un ancien domaine carolingien

Un grand propriétaire se détache du groupe des donateurs, Pons Sylvain. C’est lui qui décide sa famille, ses proches et son entourage à faire des dons à Saint-Victor. Son domaine s’étend sur plusieurs territoires, Sigumanna et Desomena, mais aussi sur Allons, Peyrescq et Ubraye, sans doute aussi sur Braux, Le Fugeret et Méailles. Il possède en propre son alleu, dit également dominicata, domanial. Il est le seul à posséder des manses qu’il fait fructifier par des hommes de sa lignée ou de son entourage. Quand un de ceux-ci fait don d’une terre, elle est prise sur un manse qu’il entretient, mais qui relève de Pons Sylvain C’est le cas du manse que régit Benedictus, sur lequel Pons prélève une pièce de terre qu’il donne aux moines. On relève également un villare, petit village ou groupe de fermes appelé Almald, ainsi que deux villae, la villa Crispa et la villa Alons, termes issus de la période carolingienne, mais désignant alors une grosse ferme et son terroir.

Lors de la donation, l’église Saint-Pons existe déjà et elle appartient à Pons Sylvain. Elle est sise dans le territoire de Sigomanna, qui, semble-t-il, s’étend dans la vallée de la Vaire. Il est probable que cette église et le territoire de Sigomanna soit le reliquat d’un ancien domaine carolingien, séquestré par la famille de Pons Sylvain au cours du Xe siècle lors des troubles et des guerres civiles. Ce domaine n’apparaît pas dans le polyptique de Wadalde de 814, car sans doute aux mains d’un aristocrate ou d’une autre communauté religieuse (1). Par contre, celui de Rouaine est cité comme faisant partie des domaines de Saint-Victor, colonica in Ruacini dans la villa Virgonis. Il est probable que le vocable Sigomanna soit le toponyme antique du territoire d’Annot et peut-être aussi le nom de la peuplade préromaine qui l’habitait. L’église Saint-Pons est à l’emplacement du village et de l’église paroissiale actuelle, maintenant dédiée à saint Jean-Baptiste. Elle occupe le sommet d’une petite colline dominant la vallée, le village s’étant développé sur les pentes. Jusqu’en 1135, l’église Saint-Pons, donnée aux moines, n’est citée que comme cella, c’est-à-dire comme église de prieuré et non comme église paroissiale.

13. Notre-Dame de Vers-la-Ville, première paroisse et lieu de procession

500 m au nord du village, au pied de la pente de la montagne, subsiste une chapelle dédiée à Notre-Dame au quartier dit de Vers-la-Ville. Les auteurs y placent le premier village médiéval d’Annot. Le toponyme ville évoque une fondation carolingienne, centre d’un domaine. Des tombes ont été découvertes autour de la chapelle, mais sans indications précises pour en reconnaître l’antiquité. Cette église semble être restée paroissiale jusqu’à la fin du XIIe siècle au moment où s’est formé le castrum. L’église du prieuré est alors devenue paroissiale et Notre-Dame de Vers-la-Ville à été abandonnée comme paroisse. L’enquête sur les lieux de culte de 1899 nous révèle que les paroissiens ne l’ont pas oublié : la veille de l’Ascension et le mardi de Pentecôte ils s’y rendent en procession et le curé y célèbre la messe (2) .

14. Notre-Dame de Vérimande et les Templiers

D’après l’abbé Féraud  (p. 292-293), les Templiers possédaient jadis à Annot un couvent très riche, qui était une succursale de leur établissement du Fugeret. La chapelle de Vérimande et ses attenances, l’ancienne paroisse et une partie des propriétés voisines leur appartenaient, aussi bien que le quartier appelé Preoulat, prieuré. Après la suppression de l’Ordre, l’ancienne paroisse fut érigée en chapellenie, le preoulat fut assigné à la paroisse, et les terres de Vérimande vendues aux religieux de Saint-Pons de Nice. Dom Beaunier, dans Abbayes et Prieurés (II, p. 173) reconnaît : Notre-Dame de Virimanda, dépendant de Saint-Pons de Nice (1247) et uni à la charge du prieur claustral (1610). L’Atlas Historique (p. 160) souligne qu’Annot était une possession des templiers et de Saint-Victor, réunie au domaine comtal. Les Pouillés de 1351 et de 1376  signalent seulement : ecclesia Mosterii de Annoto et ecclesia Beate Marie de Virimando (p. 262 et 265). Il semble qu’on a fait confusion entre Notre Dame de Vérimande et Notre Dame de Vers-la-Ville. En effet, la citation de 1247 ne concerne pas la première mais bien la seconde : in diocesi Glandatensi, ecclesiam Sancte Marie de Annoto, cum pertinentiis suis (3). C’est Notre Dame de Vers-la-Ville qui dépend de l’abbaye de Saint-Pons de Nice. Vérimande et son tènement sont une annexe des Templiers établis au Fugeret. Effectivement, après la suppression de l’Ordre au début du XIVe siècle, l’ensemble des biens des Templiers revinrent à l’abbaye de Nice. Le 22 février 1369 est cité Antoine Rocca, prieur de l’église de Notre Dame de Virimanda située au territoire d’Annot (4) .

15. La chapelle Sainte-Anne à Rouaine

L’église paroissiale de Rouaine est dédiée à Saint-Pierre-aux-Liens. Une chapelle rurale dédiée à sainte Anne est signalée en 1866, 1870 et 1876, elle est en bon état pour les messes (2 V 86). En 1884, il faut réparer la porte. Elle est encore actuellement en bon état, située à 500 m à l’ouest du village. Elle ne figure pas sur la carte de Cassini (n° 153).

16. Chapelles disparues, Saint-Vincent et Saint-Claude

Elles sont signalées dans les insinuations de l’évêché de Glandèves (3 G 1). La première, le 3 août 1471, lors d’une procuration pour le titulaire de la chapelle de St-Vincent loci de Annoto. La deuxième, le 17 septembre 1513, lors de la collation de la chapelle de St-Claude fondée dans le territoire villae Annoti, proche le chemin qui conduit au Fugeret.


Synthèse

Notre-Dame de Vers-la-Ville semble bien être d’origine carolingienne et l’église mère du territoire de Sigomanna. Les appellations manse, villare, dominicata, villa, renvoient aux mêmes vocables employés par le polyptique de Wadalde de 814. Saint-Pons pourrait être à l’origine une chapelle domaniale fondée par un laïc à la même période.


(1) Le fait que l’église soit dédiée à saint Pons pourrait faire penser qu’elle appartenait déjà à l’abbaye de Saint-Pons de Nice à l’époque carolingienne.

(2) Sur la chapelle Notre-Dame de Vers-la-Ville : Féraud, p. 290-294. Abbayes et Prieurés, II, p. 173. Collier, p. 116. Carte Archéologique, n° 008, p. 77. Alpes Romanes, p. 47. Bailly, p. 45.

(3) Chartier de l’abbaye de Saint-Pons-hors-les-murs de Nice, XLVI, p. 57.

(4) Idem, p. 269.

  • À propos de l'auteur : Daniel Thiéry